Nos locataires, des femmes et des hommes exceptionnels

par Jean-Pierre Niot
Directeur général d’Alcéane
PHOTO : GUY ISAAC

Les clichés ont parfois la peau dure et l’image des HLM reste trop souvent attachée à l’urbanisme des années soixante-dix et, de manière plus anecdotique, à la « blême » rime de Renaud qui en fit, en 1980, le thème d’un de ses pamphlets socio-libertaires. Depuis, rien n’a vraiment changé, ou presque : les HLM ont toujours aussi mauvaise réputation et sont souvent à tort synonymes de banlieue, d’habitat dégradé, de violence et de pauvreté, d’émeutes et de voitures brûlées. Et ce tableau sombre émane autant du grand public que de nos locataires et parfois même de nos propres salariés.

Trimbalant son lot d’idées reçues, l’Habitation à Loyer Modéré - expression ô combien porteuse
de sens - n’a donc pas bonne presse. Il existe pourtant de profondes évolutions et les initiatives ne manquent pas sur l’ensemble du territoire français. Mais, entre clichés faciles et paroles d’experts, les habitants de ces logements sociaux restent trop souvent cachés derrière cette image presque honteuse. Qui sont vraiment les femmes et les hommes qui composent ces quartiers ? Comment vivent-ils et quelle est leur histoire ? Pour répondre à ces questions, Alcéane, l’Office Public de l’Habitat de la Ville du Havre, a pris l’initiative, dans une ville portuaire et ouvrière de près de 200 000 habitants, en pleine renaissance, de donner la parole aux premiers concernés par le logement social, ceux qui vivent de l’intérieur les mutations du système, à savoir, les locataires.

Deux ans de travail ont été nécessaires à Aldéric Lesterlin, directeur de la communication d’Alcéane, pour monter cet ambitieux projet qui s’intègre dans une stratégie globale initiée par le Président d’Alcéane, Jean Moulin, ayant pour volonté de replacer l’humain au coeur de l’habitat. Quarante locataires ont accepté de participer à l’aventure et de se prêter au jeu de l’interview et de la séance photo. Ce projet se devait d’avoir valeur de témoignage iconographique et les prises de vue photographiques des quarante locataires ont été confiées à Guy Isaac, l’un des spécialistes français du portrait de star, auteur de plusieurs livres et photographe officiel du Festival du cinéma américain de Deauville. En confrontant son regard à un tout autre univers, il lui a fallu magnifier ces visages inconnus en évitant les effets de style, la caricature ou l’anecdotique et en respectant la personnalité de chacun. Les quarante visages qu’il a captés en noir et blanc, sans artifice, ni mise en scène dévoilent alors une autre humanité.

Porteur de ce projet, j’ai choisi d’aller rencontrer « mes » locataires, chez eux, dans leur intimité, de prendre la plume et de rédiger leur portrait. Je suis devenu apprenti journaliste le temps de ces rencontres inédites. J’ai tenté, avec sincérité, de pénétrer leur intimité et de saisir la singularité de ces personnes peu habituées à parler d’elles ou à se dévoiler.

J’ai souhaité montrer la réalité de leur quotidien, raconter leur histoire, sans tomber dans le voyeurisme ou la démagogie. Il s’agissait avant tout de provoquer des échanges sincères, sans préjugé ou stratégie. Cette démarche profondément humaniste aurait pu être poursuivie, sans nul doute, à l’infini. Ces quarante premiers portraits prouvent, s’il en était besoin, qu’il convient assurément de retourner plus de sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler du logement social, sauf à passer à côté d’une « autre merveille du Monde » !

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